En 1977, dans un hôpital aux murs blanchis par le temps résonnèrent les cris du nouveau-né Devon Noah Blackheart. Les infirmières en blouse blanche défilaient sans cesse dans des allers-retours dénués de tous sentiments, poussant des chariots investis de plusieurs outils médicinaux. Enfin, un petit garçon était né. Devon. Ce dernier grandit en tant que fils unique dans une famille aimante, jusqu’au jour où il fut arraché de son foyer pour la guerre du Golfe, son père étant devenu trop sénile pour cela. Là-bas, en Koweït, il rencontra les pires horreurs qu’il pouvait imaginer : poupées désarticulées baignant dans leurs propres marres de sang, carcasses métalliques et squelettes s’entremêlant dans des langues de feu, désert de cadavres dont le sable prenait une teinte écarlate au fur et à mesure qu’il absorbait l’hémoglobine. Mais aussi une beauté aux courbes flatteuses, une cascade d’ébène qui courrait le long de son dos, une paire d’yeux chaleureux taillés dans des émeraudes, et un sourire angélique qui ferait pâlir les déesses et éclipser les étoiles-mêmes. Linora. Sa future femme. Alors qu’il arpentait les dunes immobiles du désert, une douleur soudaine lui vrilla le corps, tandis que les ténèbres s’emparèrent de lui et qu’un coup de feu résonnait à travers l’immense vallée brune. Le jeune soldait émergeait peu à peu de son coma, écoutant semblerait-il le chant d’une sirène, tandis que le visage d’une déesse s’éclaircissait de plus en plus dans son champ de vision. Et le jeune soldat tomba instantanément sous le charme de l’infirmière qui venait de lui sauver la vie. Pour elle, Devon monta de grades en grades, se retrouvant bientôt à la tête d’un petit commando qui réussissait mission sur mission. Commando qui disparut du jour au lendemain, sans laisser de traces, alors que l’infirmière Linora se découvrait enceinte du beau Devon. Pensant que celui-ci l’avait fuit en découvrant « l’horreur », la jeune femme s’abandonna à la tristesse et aux larmes, faisant de ces derniers un lourd manteau qui se contenterait bien plus d’abîmer ses frêles épaules.

Le commando réapparut trois mois plus tard, aucune mort et aucun blessé à déplorer… Si ce n’est que tous semblaient avoir étrangement changés, comme si une partie d’eux-mêmes avaient disparus, effacées d’un simple coup de baguette. Allez donc savoir qu’est-ce qui s’est passé durant leurs disparitions. Les autorités se penchèrent un petit moment sur l’affaire, et n’y trouvèrent rien d’intéressant, faisant couler plus d’encre sur le papier que de sang sur les pavés des rues. Du moins, c’était ce qu’ils pensaient. Mais d’étranges évènements se déclenchèrent en présence de certains hommes, hommes qui appartenaient au commando de Devon. Linora, dont la grossesse était proche de se terminer, avait abandonné son poste d’infirmière dans la guerre qui s’approchait à grands pas de sa fin. Devon, informé que sa petite-amie était enceinte d’une fille, décida de la demander en mariage. Hurlements, larmes, chagrin, pleurs, voilà ce qui composaient les douces mais violentes trouvailles entre l’ex-soldat et l’ex-infirmière. Peu à peu, les pouvoirs de Devon se manifestaient alors qu’une partie de son humanité disparaissait, comme si l’apparition des pouvoirs dévorait son âme. L’ex-soldat arpentait les rues plongées dans une nuit parsemées d’étoiles, se laissant sombrer dans la nostalgie sanglante que lui rappelait la guerre, se laissant abandonner dans la sauvagerie qui lui dictait son pouvoir, se lançant désespérément à la poursuite des souvenirs de sa disparition. Le jeune homme maitrisa rapidement ses pouvoirs — ainsi que ses limites — et demanda à rejoindre les Omégas — un groupe composé de membres aux dons plus différents les uns que les autres, un peu comme lui-même, en fin de compte, mais qui se heurtait souvent aux gouvernements afin de faire reconnaître leurs causes. Le gouvernement, n’ayant aucune emprise sur lui, et n’ayant aucun moyen de le tuer, voire de le blesser, emprisonna sa famille dans les locaux de l’Organisation, et demanda à Devon d’abandonner les Omégas pour les rejoindre. Ce qu’il fit à contrecœur.