Dans un hôpital situé à Queens, alors que les flocons de neige tapissaient d’un manteau si blanc et si pur les toits des bâtiments et le bitume des routes, résonnèrent les premiers pleurs du jeune Hope Field. Enfant unique, le jeune homme grandit dans une famille aimante, changeant de maisons et de foyers au fil des saisons qui se succédaient. Un immense océan bouillonnant d’émotions contradictoires qui se fracassaient les uns aux autres, et dont la surface ne laissait rien transparaître avait succédé au cœur du jeune garçon. Lassé de toutes ces rencontres qui ne perduraient pas et de tous ces visages dont les traits s’effaçaient au profit de nouveaux et du temps qui s’avançait, impassible, emprisonnant sa douce chaleur habituelle pour la remplacer par une froideur inexpliquée, Hope laissa la glace s’emparer peu à peu de cet océan aux profondeurs insondables qu’était son cœur. Le jeune homme ne comprenait pas très bien pourquoi sa famille déménageait si souvent, sa mère prétextant que son mari suivait un métier qui l’obligeait à bouger aux quatre coins de l’État de New-York, alors qu’en réalité ses parents étaient sans cesse poursuivis par des gens peu scrupuleux. Des membres de l’Organisation. Très vite, sa famille s’installa dans le Bronx, les jours se suivaient sans que sa mère ou son père lui donna l’ordre de ranger ses affaires dans les bagages, ce qui signifiait encore un nouveau départ. Heureux que le destin lui accorde un peu soit tant de tranquillité dans sa vie si mouvementée, le jeune homme put s’adonner pleinement au lycée et aux activités qu’un jeune garçon normal aurait pu avoir avec une bande de copains normaux.

Lorsqu’il se promenait dans le parc du lycée, un petit groupe de racketteurs le prirent à part, l’acculant de plus en plus vers un mur de pierre. La colère le submergea très vite, et une violente bourrasque arracha les toits, faisant éclater les vitres en milliers de morceaux pour se répandre aussitôt sur la terre, et surtout envoya valdinguer les malotrus qui osaient s’en prendre à lui. Hope pris dès lors conscience de son pouvoir, bien qu’il n’en connaissait ni les limites ni même la nature exacte de celui-ci.

Alors qu’il se précipitait dans les couloirs bondé de casiers et de papiers dispersés sur les murs, après que la sonnerie stridente annonçait le début des cours, il fit une rencontre assez percutante avec une jeune fille du doux nom d’Amber. Amber Huggins. Cette rencontre inopportune fit fondre un peu la glace qui enserrait encore son cœur, laissant entrevoir les émotions qui tempêtaient toujours à l’intérieur même du jeune élève. Très vite, les deux jeunes gens s’entendirent bien, les rendez-vous se succédaient jusqu’à ce que Hope fût obligé de préparer une nouvelle fois de plus ses bagages. Une dispute éclata entre lui et ses parents, refusant de partir de cet endroit paradisiaque alors qu’il venait de se trouver des amis qui le soutiendraient, et surtout une jeune fille dont les sentiments naissaient peu à peu pour elle. Un brasier apparu subitement, emportant son père et sa mère dans une mer de flammes, ne laissant que des squelettes encore blanchis. Le jeune homme le savait, c’était lui qui avait déclenché cet incendie ravageur, alors qu’il gisait sur le tapis roussi par les langues enflammées dans un repos salvateur. D’autant plus que les enquêteurs n’avaient pas trouvés de départ d’incendie. La glace qui enserrait encore son cœur finit par l’entourer dès lors complètement, le jeune homme se renfermant sur lui-même, impassible et d’une froideur encore plus incroyable qu’avant, pour ne laisser qu’un masque étrangement stoïque se figer sur ses traits autrefois si souriants. Il resta plusieurs jours chez lui, pleurant toutes les larmes de son corps pour la perte de ses parents. Et contrairement aux autres, eux qui avaient encore leurs parents et un foyer stable, il devait se reprendre en main, continuer sa vie malgré la mort de ceux qui les avaient mis au monde. Hope ressortit donc de chez lui, pour revoir la personne qui lui comptait le plus après ses parents. Amber. Malheureusement, la jeune femme eut l’impression de se retrouver face à un iceberg dont seulement l’immense pic était visible. Elle lui proposa donc de venir s’abriter chez sa mère, en attendant qu’ils trouvent une solution. Hope mène pour l’instant une vie de solitude, encore inconscient que des gens commencent à pointer leurs regards vicieux sur lui.

Amber fut née dans un hôpital situé dans le Bronx. Cadette d’une famille de deux enfants, la jeune fille eut une enfance pour le moins difficile. En effet, sans cesse repoussée par une mère alcoolique pour être finalement recueillie par un patriarche tyrannique, Amber, capable de tuer des êtres humains de différentes manières par sa simple pensée, devient très vite l’image de son père qui lui apprit à se servir de son pouvoir dans le seul but de semer le chaos, satisfaire la soif perverse de sang qu’éprouvait le père de famille. Sa mère, parfois beaucoup plus ivre que pouvait l’être la plupart des hommes, la battait sans cesse au point de la recouvrir entièrement de bleus. Son frère, quant à lui, la méprisait, prêchant pour des bêtises que l’ainé produisait sans répit, punie pour des conneries qu’elle n’avait même pas commises de ses propres mains. En bref, sa vie était un véritable enfer, d’autant plus que son père partait souvent pour ses voyages d’affaires, cachant en réalité qu’il s’envoyait en l’air avec une hôtesse de l’air. Elle le savait. Ils le savaient, mais n’osaient rien dire, de peur de subir le courroux du tyrannique père de famille, risquant d’être maudis par le don du patriarche, ou que l’instrument de torture que s’était forgé le père se retournait contre eux. Au lycée, ce n’était pas mieux : mieux traitée dans sa classe que chez elle, la jeune élève devint aussi bien le souffre-douleur des élèves que des professeurs. Professeurs qui ne faisaient rien pour la secourir, bande d’abrutis écervelés incapables de lui tendre une perche pour la sortir de la boue qui n’arrêtait pas de l’avaler au point de la laisser mourir étouffée, l’arracher à la situation qui la pourrissait tant, qui la rendait indifférente à tout ce qui l’entourait.

Mais un rayon de lune apparut dans son monde de ténèbres, une porte entrouverte dans son enfer personnel. Hope Field. Il était différent des autres, tout en la ressemblant. Car lui aussi disposait d’un pouvoir tout aussi destructeur que le sien. Grâce à lui, elle réapprit le goût de vivre, fuguant avec lui son foyer et sa salle de classe qui représentaient ses enfers personnels, vagabondant dans les parcs et les forêts en ne laissant que derrière eux des éclats de rire, à la place habituelle de cadavres sanguinolents et de sang décorant d’une façon sinistre le bitume des routes lorsqu’elle partait en chasse avec son paternel. Son père, écœuré de voir un morveux tourner autour de sa fille en la rendant amorphe avec des sentiments qu’il jugeait inutile, décida tout simplement de les séparer. Avec une réaction inattendue de celle qu’il considérait comme un jouet, un outil docile et facilement manipulable, Amber se rebella contre son père, et entra dans une colère noire. Dans sa crise, elle tua accidentellement son frère, l’un des bourreaux qui pourrissait tant sa vie. Ainsi que son père, dont ses derniers mots résonnèrent en boucle dans ses tympans au point de la rendre sourde :

— Ma fille… Je te maudits.

Sa mère fut la seule rescapée de ce massacre, et son comportement changea du jour au lendemain. D’une attitude méprisante et glaciale, elle passa de chaleureuse et accueillante, essayant d’effacer les horreurs qu’elle avait pu commise. Amber se tira de ce massacre avec des séquelles invisibles sur son corps, puisqu’elles étaient gravées dans son esprit. En effet, son corps est devenu une lutte perpétuelle entre la conscience de son père et sa propre conscience, devenant à ses propres yeux le réceptacle d’un monstre qui prendrait le contrôle de son corps dès que la jeune femme baisserait sa garde, une porte ouverte sur un monde qu’elle ne voudrait plus regarder en face. Car oui, avec Hope et sa "nouvelle" mère, sa vie avait radicalement changée. Une anecdote qu’elle essaye aussi d’oublier, mais une voyante aveugle l’avait avertie d’un danger insensé. La possible renaissance de son père, cette fois-ci dénuée de sa pitoyable âme d’humaine… Et d’un pouvoir encore plus dangereux qu’elle connaissait… Mais lequel ?